04 mars, 2020

« Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage » (Mt 5,5).

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« Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage » (Mt 5,5). 

Heureux ceux qui, dans les difficultés, s’abandonnent en Dieu, sans perdre la sérénité. La douceur attirante ou naturelle.

Texte adapté pour ce blog de l'audience du pape François du 19 février 2020
Chers frères et sœur, bonjour !
Dans la catéchèse de ce jour, nous abordons la troisième des huit béatitudes de l’Évangile de Matthieu : « Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage » (Mt 5,5).

Le terme « doux » employé ici veut dire littéralement aimable, bienveillant, gentil, sans violence.

La douceur se manifeste dans les moments de conflit. On voit que quelqu’un est « doux », aimable, lorsqu’il réagit gentiment devant une situation hostile.
Tout le monde semble doux quand la tranquillité règne, mais comment réagit-on « sous pression », si l’on est attaqué, offensé, agressé ?

Saint Paul rappelle « la douceur et la bonté du Christ » (2 Cor 10,1).
Et saint Pierre, à son tour, rappelle l’attitude de Jésus pendant la Passion : il ne répondait ni ne menaçait, parce qu’il s’abandonnait en Dieu le Père. Il « s’abandonnait à celui qui juge avec justice » (1 P 2,23).
La douceur de Jésus se voit nettement pendant sa Passion.

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Mais il y a un autre sens de la « douceur ». La douceur conquérante ou divine. La douceur qui va conquérir les cœurs des autres.

Pour comprendre cette douceur « divine » nous devons expliquer que dans l’Écriture, la parole « doux » indique également « celui qui n’a pas de propriétés foncières » c’est-à-dire, des propriétés reçues en héritage. Naturellement il sait qu’il est pauvre, qu’il n’a rien à défendre.

Eh bien, le paradoxe de la troisième béatitude se trouve dans le fait que ceux qui n’ont pas des terres vont recevoir une terre meilleure en héritage.
Une terre en héritage qu’ils ont mérité par sa douceur « conquérante ».
Quelle est cette terre à conquérir ?, : nous la découvrirons à la fin de notre exposé.

 

En réalité, cette béatitude reprend le psaume hébreu 37, (le psaume 36 de la liturgie actuelle) dont nous copions ici les versets qui nous concernent)

01 Ne t'indigne pas à la vue des méchants, n'envie pas les gens malhonnêtes ;
07 Repose-toi sur le Seigneur et compte sur lui. Ne t'indigne pas devant celui qui réussit, devant l'homme qui use d'intrigues.
08 Laisse ta colère, calme ta fièvre, ne t'indigne pas : il n'en viendrait que du mal ;
09 les méchants seront déracinés, mais qui espère le Seigneur possédera la terre.
11 Les doux posséderont la terre et jouiront d'une abondante paix.
16 Pour le juste, avoir peu de biens vaut mieux que la fortune des impies.
22 Ceux qu'il bénit posséderont la terre, ceux qu'il maudit seront déracinés.
29 Les justes posséderont la terre et toujours l'habiteront.

 

Dans ce psaume la douceur et la possession ou conquête de la terre sont mises en relation. Celui qui est vraiment doux, recevra le ciel. Le vrai doux va recevoir un héritage divin et va défendre les dons reçus du ciel.

Si l’on y réfléchit bien, douceur et possession semblent incompatibles. En effet, la possession de la terre est typiquement du domaine du conflit : on se bat souvent pour une parcelle, pour un territoire, pour obtenir l’hégémonie sur une zone particulière. Dans les guerres, le plus fort conquiert d’autres terres.

Mais regardons bien le verbe employé pour indiquer la possession des doux : on ne dit pas « heureux les doux, car ils conquerront la terre ». Ils la « recevront en héritage ».

Dans les Écritures, le verbe « recevoir en héritage » a un sens encore plus grand. Le peuple de Dieu appelle « héritage » précisément la terre d’Israël qui est la Terre de la Promesse.
Cette terre est une promesse et un don pour le peuple de Dieu, et elle devient le signe de quelque chose de beaucoup plus grand qu’un simple territoire.

Il y a une autre « terre », (permettez-moi de jouer sur les mots) qui est le ciel, c’est-à-dire la terre vers laquelle nous marchons : les nouveaux cieux et la nouvelle terre vers lesquels nous allons (cf. Is 65,17 ; 66,22 ; 2 P 3,13 ; Ap 21,1).
Alors le doux est celui qui « reçoit en héritage » le plus sublime des territoires. Ce n’est pas un lâche, un « mou », qui se trouve une morale de repli, <de timidité>, pour ne pas se compliquer la vie. C’est bien autre chose ! C’est une personne qui a reçu un héritage et ne veut pas le disperser.

Le doux n’est pas quelqu’un simplement « tolérant » mais c’est le disciple du Christ qui a appris à défendre une toute autre terre.
Il défend sa paix, il défend sa relation à Dieu, il défend  les dons de Dieu, en protégeant la miséricorde, la fraternité, la confiance et l’espérance.
Parce que les personnes douces sont des personnes miséricordieuses, fraternelles, confiantes et des personnes qui ont l’espérance.

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La douceur rassemble, la colère sépare. La douceur conquiert la meilleure terre : les cœurs des autres.

Ici, nous devons mentionner le péché de colère, un mouvement violent dont nous connaissons tous l’ardeur de l’emportement. Qui ne s’est pas déjà mis en colère ?
Nous devons retourner la béatitude et nous poser une question : combien de choses avons-nous détruites par la colère ?
Combien de choses avons-nous perdues ?
Un moment de colère peut détruire beaucoup de choses ; on perd le contrôle et on n’évalue pas ce qui est vraiment important, et l’on peut ruiner la relation avec un frère, parfois de façon irrémédiable. À cause de la colère, tant de frères ne se parlent plus, s’éloignent l’un de l’autre. C’est le contraire de la douceur. La douceur rassemble, la colère sépare.
La douceur peut conquérir beaucoup de choses. La douceur est capable de gagner les coeurs, de sauver les amitiés et bien d’autres choses, parce que les personnes s’emportent mais ensuite elles se calment, elles y réfléchissent et font marche arrière, et ainsi on peut reconstruire par la douceur.
La « terre » à conquérir » par la douceur est le salut de ce frère dont parle l’Évangile de Matthieu : « S’il t’écoute, tu as gagné ton frère » (Mt 18,15). Il n’y a pas de plus belle terre que le coeur d’autrui, il n’y a pas de territoire plus beau à gagner que la paix retrouvée avec un frère. Et c’est là la terre à recevoir en héritage par la douceur !

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