Thème 27 : la moralité des actes humains


Thème 27 - La moralité des actes humains
L'agir est moralement bon quand les choix libres sont conformes au vrai bien de l'homme.

 

1. Moralité des actes humains

« Les actes humains, c’est-à-dire librement choisis par suite d’un jugement de conscience, sont moralement qualifiables. Ils sont bons ou mauvais » (Catéchisme, 1749).

« L'agir est moralement bon quand les choix libres sont conformes au vrai bien de l'homme et manifestent ainsi l'orientation volontaire de la personne vers sa fin ultime, à savoir Dieu lui-même ».

Jean Paul II, Enc Veritatis splendor,  72. « La question initiale du dialogue entre le jeune homme et Jésus : "Que dois-je faire de bon pour avoir la vie éternelle ?" (Mt 19, 16) met immédiatement en évidence le lien essentiel entre la valeur morale d'un acte et la fin ultime de l'homme (…). La réponse de Jésus et la référence aux commandements manifestent aussi que la voie qui mène à cette fin est marquée par le respect des lois divines qui sauvegardent le bien humain. Seul l'acte conforme au bien peut être la voie qui conduit à la vie. (ibidem)



La moralité des actes humains dépend :
– de l’objet choisi ;
– de la fin visée ou l’intention ;
– des circonstances de l’action.

L’objet, l’intention et les circonstances forment les " sources ", ou éléments constitutifs, de la moralité des actes humains » (Catéchisme, 1750).

 

2. L'objet moral

L’objet moral est « la fin prochaine d'un choix délibéré qui détermine l'acte du vouloir de la personne qui agit ».

Jean Paul II, Enc Veritatis splendor, 78. Cf. Catéchisme, 1751. Pour savoir quel est l’objet moral d’un acte, « il convient donc de se situer dans la perspective de la personne qui agit.
En effet, l'objet de l'acte du vouloir est un comportement librement choisi. En tant que conforme à l'ordre de la raison, il est cause de la bonté de la volonté (…).
Par objet d'un acte moral déterminé, on ne peut donc entendre un processus ou un événement d'ordre seulement physique, à évaluer selon qu'il provoque un état de choses déterminé dans le monde extérieur » (ibidem).
On ne doit pas confondre l’"objet physique" avec l’"objet moral" de l’action (une même action physique peut être objet d’actes moraux divers; par exemple couper avec un bistouri peut être une opération chirurgicale ou…un homicide).


La valeur morale des actes humains (qu'ils soient bons ou mauvais) dépend avant tout de la conformité de l'objet ou de l'acte voulu avec le bien de la personne, selon le jugement de la droite raison.

 « La moralité de l'acte humain dépend avant tout et fondamentalement de l'objet raisonnablement choisi par la volonté délibérée » (Jean Paul II, Enc Veritatis splendor, 78).

Seul un acte humain bon par son objet est orienté vers la fin ultime. (Jean Paul II, Enc Veritatis splendor, 78)

Il existe des actes intrinsèquement mauvais parce qu'ils sont mauvais « toujours et en eux-mêmes, c'est-à-dire en raison de leur objet même, indépendamment des intentions ultérieures de celui qui agit et des circonstances ».

cf. Catéchisme, 1756.
Le Concile Vatican II signale plusieurs exemples : attentats à la vie humaine, « comme toute espèce d'homicide, le génocide, l'avortement, l'euthanasie et même le suicide délibéré »; attentats à l’intégrité de la personne humaine, « comme les mutilations, la torture physique ou morale, les contraintes psychologiques »; les offenses à la dignité humaine « comme les conditions de vie infrahumaines, les emprisonnements arbitraires, les déportations, l'esclavage, la prostitution, le commerce des femmes et des jeunes; ou encore les conditions de travail dégradantes qui réduisent les travailleurs au rang de purs instruments de rapport, sans égard pour leur personnalité libre et responsable ».
« Toutes ces pratiques et d’autres analogues sont, en vérité, infâmes. Tandis qu’elles corrompent la civilisation, elles déshonorent ceux qui s’y livrent plus encore que ceux qui les subissent et insultent gravement à l’honneur du Créateur» (Concile Vatican II, Const. Gaudium et spes, 27).

Paul VI, se référant aux pratiques contraceptives, a enseigné qu’il n’est jamais licite « de prendre comme objet d'un acte positif de volonté ce qui est intrinsèquement un désordre et, par conséquent, une chose indigne de la personne humaine, même avec l'intention de sauvegarder ou de promouvoir des biens individuels, familiaux ou sociaux » (Paul VI, Enc. Humanæ vitæ, 25-VII-1968, 14).



Le "proportionnalisme" et le "conséquentialisme" sont des théories erronées portant sur la notion et la formation de l'objet moral d'une action, selon lesquelles il faut déterminer la  « proportion » entre les biens et les maux que l’on vise, ou les conséquences qui peuvent en découler. 

Ces théories n’affirment pas que « l’on peut commettre un acte mauvais pour obtenir un bien », mais qu’il n’est pas possible de dire qu’il existe des comportements toujours mauvais, parce que cela dépend dans chaque cas de la « proportion » entre le bien et le mal, ou des « conséquences » (cf. Jean Paul II, Enc Veritatis splendor, 75).
À titre d’exemple, un "proportionnaliste" ne soutiendrait pas que « l’on puisse commettre une escroquerie pour une fin juste », mais il examinerait d’abord si l’action est ou non une escroquerie (si ce qui est "objectivement choisi" est ou non une escroquerie) en tenant compte de toutes les circonstances et de l’intention.
Finalement il pourrait conclure que ce n’est pas une escroquerie alors qu’objectivement c’en est une, et il pourrait ainsi justifier cette action (ou n’importe quelle autre).

3. L’intention


Par objet moral on entend ce que la volonté veut par un acte concret (par exemple : tuer une personne, donner une aumône), tandis que l’intention désigne le pourquoi (par exemple : pour obtenir un héritage, pour donner une bonne image de soi devant les autres ou pour aider un pauvre).

Un acte qui, par son objet peut être « ordonné » vers Dieu « accède à sa perfection ultime et décisive quand la volonté l'ordonne effectivement à Dieu » (Veritatis splendor, 78).
L'intention « est un élément essentiel dans la qualification morale de l’action » (Catéchisme, 1752).

L’intention « peut ordonner vers un même but des actions multiples ; elle peut orienter toute la vie vers la fin ultime » (Catéchisme, 1752).
Par exemple, le service que l’on rend à quelqu’un a pour fin d’aider son prochain, mais il peut en même temps être inspiré par l’amour de Dieu comme fin ultime de toutes nos actions, ou par intérêt personnel, ou pour satisfaire la vanité

« Une même action peut aussi être inspirée par plusieurs intentions ».

« Une intention bonne ne rend ni bon ni juste un comportement en lui-même désordonné. La fin ne justifie pas les moyens. » (Catéchisme, 1753).
 « Il arrive fréquemment que l’homme agisse avec une bonne intention mais sans profit spirituel, car l’action est mauvaise (la volonté ne veut pas ce que Dieu veut), il lui manque la bonne volonté (La bonne volonté n’est pas l’intention bonne, mais la volonté qui coïncide avec la Volonté de Dieu que la droite raison peut connaître). Par exemple, si quelqu’un vole pour donner aux pauvres : dans ce cas, si l’intention est bonne, il manque la rectitude de la volonté, car l’action est mauvaise. En conclusion, la bonne intention n’autorise pas à faire une œuvre mauvaise. « Certains disent : faisons le mal pour qu’en sorte le bien. Ceux-ci méritent leur propre condamnation » (Rm 3, 8) » (Saint Thomas d’Aquin, In duo præcepta caritatisOpuscula theologica, II, n° 1168)

« En revanche, une intention mauvaise surajoutée (ainsi la vaine gloire) rend mauvais un acte qui, de soi, peut être bon (comme l’aumône ; cf. Mt 6, 2-4). » (Catéchisme, 1753).

 

4. Les circonstances


Les circonstances « sont les éléments secondaires d’un acte moral. Elles contribuent à aggraver ou à diminuer la bonté ou la malice morale des actes humains (par exemple le montant d’un vol). Elles peuvent aussi atténuer ou augmenter la responsabilité de l’agent (ainsi agir par crainte de la mort) » (Catéchisme, 1754).
Les circonstances « ne peuvent rendre ni bonne, ni juste une action en elle-même mauvaise » (ibidem).
« L’acte moralement bon suppose à la fois la bonté de l’objet, de la fin et des circonstances» (Catéchisme, 1955).

C’est-à-dire, que pour qu’un acte libre soit ordonné à la vraie fin ultime il est requis :
a) qu’il soit en lui-même ordonnable à la fin (bonté objective), c’est l’objet de l’acte moral,
b) qu’il soit ordonnable à la fin dans les circonstances de lieu, de temps, etc. où il est réalisé,
c) que la volonté du sujet l’ordonne effectivement à la vraie fin (bonté subjective), c’est l’intention.

5. La responsabilité


« La liberté rend l’homme responsable de ses actes dans la mesure où ils sont volontaires » (Catéchisme, 1734).

L’exercice de la liberté comporte toujours une responsabilité devant Dieu : dans tout acte libre, d'une certaine manière, nous acceptons ou nous rejetons la volonté de Dieu. « Le progrès dans la vertu, la connaissance du bien et l’ascèse accroissent la maîtrise de la volonté sur ses actes » (CEC, 1734).

« L’imputabilité et la responsabilité d’une action peuvent être diminuées voire supprimées par l’ignorance, l’inadvertance, la violence, la crainte, les habitudes, les affections immodérées et d’autres facteurs psychiques ou sociaux » (Catéchisme, 1735).

 

6. Responsabilité indirecte.

Les actions indirectement volontaires
« Une action peut être indirectement volontaire quand elle résulte d’une négligence à l’égard de ce qu’on aurait dû connaître ou faire » (Catéchisme 1736).

 « Par exemple un accident provenant d’une ignorance du code de la route ». En ignorant (volontairement, coupablement) des normes élémentaires du code de la route, on peut dire que l’on veut indirectement les conséquences de cette ignorance.

« Un effet peut être toléré sans être voulu par l’agent, par exemple l’épuisement d’une mère au chevet de son enfant malade. L’effet mauvais n’est pas imputable s’il n’a été voulu ni comme fin ni comme moyen de l’action, ainsi la mort reçue en portant secours à une personne en danger. Pour que l’effet mauvais soit imputable, il faut qu’il soit prévisible et que celui qui agit ait la possibilité de l’éviter, par exemple dans le cas d’un homicide commis par un conducteur en état d’ivresse » (Catéchisme, 1737).

Le volontaire indirect.
On dit aussi qu'un effet a été obtenu par le jeu du « volontaire indirect » lorsqu'on ne le désirait ni comme fin ni comme moyen dans un autre but, mais sachant qu'il accompagne nécessairement l’action que l'on veut réaliser.
Par exemple, celui qui, pour soigner un rhume, prend un comprimé dont il sait qu’il a comme effet secondaire la somnolence, veut directement guérir de son rhume et indirectement la somnolence. Á proprement parler, les effets indirects d’une action ne sont pas voulus mais "tolérés" ou permis par leur union inévitable à l’action que l’on souhaite réaliser.

Cette notion est d'une grande importance dans la vie morale, parce qu'il arrive parfois que des actions soient à double effet, un bon et un autre mauvais, et qu’il peut être licite de les réaliser pour obtenir un effet bon (voulu directement), quoique l'on ne puisse éviter le mal (qui, en conséquence, n’est voulu que de manière indirecte).
Il s'agit parfois de situations très délicates, pour lesquelles la prudence conseille de demander un avis à une personne qui peut le donner.

Le volontaire in causa.
Un acte est volontaire (et en conséquence imputable) in causa lorsqu'il n'est pas choisi pour lui-même mais qu’il résulte fréquemment (in multis) d’une conduite directement voulue.
Par exemple celui qui ne contrôle pas de façon convenable le regard devant des images obscènes est responsable (parce qu'il l’a voulu in causa) du désordre (non directement choisi) qui s'ensuit dans son imagination; et celui qui lutte pour vivre la présence de Dieu veut in causa les actes d’amour qu’il réalise sans, en apparence, se le proposer.

 

7. Le mérite

« Le terme " mérite " désigne, en général, la rétribution due par une communauté ou une société pour l’action d’un de ses membres éprouvée comme un bienfait ou un méfait, digne de récompense ou de sanction. Le mérite ressort à la vertu de justice.» (Catéchisme, 2006).
L'homme n'a pas, par lui-même, de mérite devant Dieu, pour ses bonnes œuvres (cf. Catéchisme, 2007). Cependant, « l’adoption filiale, en nous rendant participants par grâce à la nature divine, peut nous conférer, suivant la justice gratuite de Dieu, un véritable mérite. C’est là un droit par grâce, le plein droit de l’amour, qui nous fait " cohéritiers " du Christ et dignes d’obtenir l’"héritage promis de la vie éternelle » (Catéchisme, 2009).
« Le mérite de l’homme auprès de Dieu dans la vie chrétienne provient de ce que Dieu a librement disposé d’associer l’homme à l’œuvre de sa grâce » (Catéchisme, 2008).

Quand le chrétien agit bien, « l’action paternelle de Dieu est première, c’est Lui qui donne l’impulsion, et le libre agir de l’homme est second, c’est lui qui collabore, de telle sorte que les mérites des œuvres bonnes doivent être attribuées à la grâce de Dieu en premier lieu, et au fidèle chrétien en second lieu.



5 commentaires:

Unknown a dit…

Elle revient encore cette question, monsieur l'abbé, les livres et les logiciels qui coûtent énormément chers, nous les piratons, nous devons donc arrêter ? D'autant plus que en réalité très peu des gens ont des moyens de s'en procurer est-ce aussi une raison suffisante pour pirater ces choses?

Félix nyembo useni a dit…

J'ignorais vraiment ces notions.
Merci beaucoup.

Maurice a dit…

C'est très edifiant cette thématique, elle va nous permettre à contrôler tous nos actes et à évoluer leurs effets induits.

Unknown a dit…

J'ai retenu 3 mots: la bonne volonté.
Merci padre.

abbé Quirós a dit…

Oui, la bonne volonté..., mais sans oublier que nous devons chercher, avec la grâce de Dieu, ce qui est bon objectivement. Seigneur, qu'est-ce que Tu veux de moi !