Chers frères et sœurs, bonjour !
Aujourd’hui,
nous lisons ensemble la sixième béatitude, qui promet la vision de Dieu et a
pour condition la pureté du cœur.
Le psaume dit :
« Mon cœur m’a dit ta parole : « Cherchez ma face. » C’est ta face, Seigneur,
que je cherche : ne me cache pas ta face » (26, 8-9).
Ce langage
manifeste la soif d’une relation personnelle avec Dieu, pas mécanique, pas un
peu nébuleuse, non, personnelle, que
le livre de Job exprime aussi comme le signe d’une relation sincère.
Voici ce que dit le livre de Job : « C’est par
ouï-dire que je te connaissais, mais maintenant mes yeux t’ont vu » (Jb
42,5).
Et je pense très souvent que c’est le chemin de notre
vie, dans nos relations avec Dieu. Nous connaissons Dieu par ouï-dire, mais par
notre expérience, nous avançons, avançons, avançons et à la fin, nous le
connaissons directement, si nous sommes fidèles… Et c’est cela, la maturité de
l’Esprit.
Comment arriver à cette intimité, à connaître Dieu de nos
yeux ?
On peut penser aux disciples d’Emmaüs, par exemple, qui
ont le Seigneur Jésus à leurs côtés, « mais leurs yeux étaient empêchés de le
reconnaître » (Lc 24,16).
Le Seigneur ouvrira leurs yeux au terme d’un chemin qui
culmine avec la fraction du pain et qui avait commencé par un reproche : «
Esprits sans intelligence ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce que les
prophètes ont dit ! » (Lc 24,25).
C’est le reproche du début.
Voilà l’origine de leur cécité : leur cœur lent. Leur cœur
sans intelligence.
Et quand le cœur
est sans intelligence et lent, on ne voit pas les choses.
On voit les choses comme dans le brouillard. C’est là
qu’est la sagesse de cette béatitude : pour
pouvoir contempler, il est nécessaire de rentrer en soi et de faire de la place
à Dieu parce que, comme le dit saint Augustin : « Dieu est plus intime à
moi-même que moi-même » (« interior
intimo meo » : Confessions, III,6,11).
Pour voir Dieu, cela ne sert à rien de changer de
lunettes ou de point d’observation, ni de changer d’auteurs théologiques : il
faut libérer son cœur des mensonges intérieurs qui génèrent nos péchés.
Parce que les péchés changent la vision intérieure, ils
changent l’évaluation des choses, ils font voir des choses qui ne sont pas
vraies ou, au moins, qui ne sont pas aussi vraies.
Il est donc important de comprendre ce qu’est la « pureté
du cœur ». Pour cela, il faut se souvenir que, pour la Bible, le cœur ne
consiste pas seulement dans les sentiments, mais qu’il est le lieu le plus
intime de l’être humain, l’espace intérieur où une personne est elle-même.
L’Évangile de
Matthieu affirme : « Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, comme
elles seront grandes, les ténèbres ! » (6,23). Cette « lumière » est le regard
du cœur, la perspective, la synthèse, le point à partir duquel se lit la
réalité (cf. Exhort. ap. Evangelii gaudium, 143).
Mais que signifie un cœur « pur » ? Celui qui a le cœur pur vit en présence du Seigneur, gardant dans son cœur
ce qui est digne de la relation avec lui.
Le cœur purifié est donc le résultat d’un processus qui
implique une libération et un renoncement. Celui qui a le cœur pur ne naît pas
comme cela, il a vécu une simplification intérieure, en apprenant à renier le
mal en soi, ce qui, dans la Bible, s’appelle circoncision du cœur (cf. Dt 10,16
; 30,6 ; Ez 44,9 ; Jr 4,4).
Cette
purification intérieure implique la reconnaissance de cette part du cœur qui
est sous l’influence du mal
– « Vous savez, Père, je sens comme ceci, je pense comme
cela, je vois comme ceci, et c’est mal » : reconnaître la part mauvaise, la
part assombrie par le mal, pour apprendre l’art de se laisser toujours
enseigner et conduire par l’Esprit Saint.
Le chemin à partir du cœur malade, du cœur pécheur, du
cœur qui ne peut pas bien voir les choses, parce qu’il est dans le péché, et
qui conduit à la plénitude de la lumière, est l’oeuvre de l’Esprit Saint.
C’est lui qui nous conduit à faire ce chemin.
À travers ce
chemin du cœur, nous parvenons à « voir Dieu ».
Dans cette vision béatifique, il y a une dimension
future, eschatologique, comme dans toutes les Béatitudes : c’est la joie
du Royaume des Cieux vers lequel nous allons.
Mais il y a aussi une autre dimension : voir Dieu
veut dire comprendre les desseins de la Providence dans ce qui se produit, reconnaître
sa présence dans les sacrements, sa présence dans les frères, surtout ceux qui
sont pauvres et qui souffrent, et le reconnaître là où il se manifeste (cf.
Catéchisme de l’Église catholique, 2519).
Cette béatitude est un peu le fruit des précédentes : si
nous avons écouté la soif du bien qui habite en nous et si nous sommes
conscients que nous vivons de la miséricorde, commence alors un chemin de
libération qui dure toute la vie et conduit jusqu’au Ciel.
C’est un travail sérieux, un travail que fait l’Esprit
Saint si nous lui donnons de la place pour qu’il le fasse, si nous sommes
ouverts à l’action de l’Esprit Saint. C’est pourquoi nous pouvons dire que c’est
une oeuvre de Dieu en nous (dans les épreuves et dans les purifications de la
vie) et cette oeuvre de Dieu et de l’Esprit Saint conduit à une grande joie, à
une véritable paix.
N’ayons pas peur, ouvrons les portes de notre cœur à
l’Esprit Saint pour qu’il nous purifie et nous conduise sur ce chemin vers la
plénitude de la joie.
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